Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/544

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Dans celui-là ne se trouvait évidemment rien à chercher ni à reprendre : on en voyait tous les coins et recoins à la lueur de la lampe qui éclairait ces dignes compagnons. On passa donc rapidement et l’on visita le troisième compartiment.

Celui-là était la chambre des matelots. Trois ou quatre hamacs pendus au plafond, une table soutenue par une double corde passée à chacune de ses extrémités, deux bancs vermoulus et boiteux en formaient tout l’ameublement. D’Artagnan alla soulever deux ou trois vieilles voiles pendantes contre les parois, et, ne voyant encore rien de suspect, regagna par l’écoutille le pont du bâtiment.

— Et cette chambre ? demanda d’Artagnan.

Grimaud traduisit à l’Anglais les paroles du mousquetaire.

— Cette chambre est la mienne, dit le patron ; y voulez-vous entrer ? — Ouvrez la porte, dit d’Artagnan.

L’Anglais obéit ; d’Artagnan allongea son bras armé de la lanterne, passa la tête par la porte entre-baillée, et voyant que cette chambre était un véritable réduit : — Bon, dit-il, s’il y a une armée à bord, ce n’est point ici qu’elle sera cachée. Allons voir si Porthos a trouvé de quoi souper.

Et remerciant le patron d’un signe de tête, il regagna la chambre d’honneur, où étaient ses amis… Porthos n’avait rien trouvé, à ce qu’il paraît, ou, s’il avait trouvé quelque chose, la fatigue l’avait emporté sur la faim, et, couché dans son manteau, il dormait profondément lorsque d’Artagnan rentra. Athos et Aramis, bercés par les mouvements moëlleux des premières vagues de la mer, commençaient, de leur côté, à fermer les yeux ; ils les rouvrirent au bruit que fit leur compagnon.

— Eh bien ? fit Aramis. — Tout va bien, dit d’Artagnan, et nous pouvons dormir tranquilles.

Sur cette assurance, Aramis laissa retomber sa tête ; Athos fit de la sienne un signe affectueux, et d’Artagnan, qui, comme Porthos, avait encore plus besoin de dormir que de manger, congédia Grimaud et se coucha dans son manteau l’épée nue, de telle façon que son corps barrait le passage et qu’il était impossible d’entrer dans la chambre sans le heurter.