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XVII

Sa santé fut interrogée avec un grand soin, avec un grand zèle, et après une consultation sérieuse on lui conseilla le calme, le repos, le sommeil, le silence, ces beaux rêves de sa vie ! À ces conseils elle se prit à sourire en hochant la tête d’un petit air d’incrédulité, car elle savait que tout lui était possible, excepté la possession de ces heures choisies, qui sont le partage de certaines femmes, et qui n’appartiennent qu’à elles seules. Elle promit cependant d’obéir pendant quelques jours, et de s’astreindre à ce régime d’isolement ; mais, vains efforts ! on la vit quelque temps après, ivre et folle d’une joie factice, franchissant, à cheval, les passages les plus difficiles, étonnant de sa gaieté cette allée de Sept-Heures qui l’avait trouvée rêveuse et lisant tout bas sous les arbres.

Bientôt elle devint la lionne de ces beaux lieux. Elle présida à toutes les fêtes ; elle donnait le mouvement au bal ; elle imposait ses airs favoris à l’orchestre, et la nuit venue, à l’heure où un peu de sommeil lui eût fait tant de bien, elle épouvantait les plus intrépides joueurs par les masses d’or qui s’amoncelaient devant elle, et qu’elle perdait tout d’un coup, indifférente au gain, indifférente à la perte. Elle avait appelé le jeu comme un appendice à sa