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Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/117

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Marguerite.

Maintenant, j’ai réfléchi, et ce que j’avais espéré est impossible.

Armand.

Si vous m’aviez aimé, d’ailleurs, vous n’auriez pas reçu le comte, surtout ce soir.

Marguerite.

Aussi, est-ce pour cela qu’il vaut mieux que nous n’allions pas plus loin. Je suis jeune, je suis jolie, je vous plaisais, je suis une bonne fille, vous êtes un garçon d’esprit, il fallait prendre de moi ce qu’il y a de bon, laisser ce qu’il y a de mauvais, et ne pas vous occuper du reste.

Armand.

Ce n’est pas ainsi que vous me parliez tantôt, Marguerite, quand vous me faisiez entrevoir quelques mois à passer avec vous, seule, loin de Paris, loin du monde ; c’est en tombant de cette espérance dans la réalité que je me suis fait tant de mal.

Marguerite.

C’est vrai ; je m’étais dit : « Un peu de repos me ferait du bien ; il prend intérêt à ma santé ; s’il y avait moyen de passer tranquillement l’été avec lui, dans quelque campagne, au fond de quelque bois, ce serait toujours cela de pris sur les mauvais jours. » Au bout de trois ou quatre mois, nous serions revenus à Paris, nous nous serions donné une bonne poignée de main, et nous nous serions fait une amitié des restes de notre amour ; car l’amour qu’on peut avoir pour moi, si violent qu’on le dise, n’a même pas toujours en lui de quoi faire une amitié plus tard. Tu ne l’as pas voulu ; ton cœur est un grand seigneur qui ne veut rien accepter ! N’en parlons plus. Tu viens ici depuis quatre jours, tu as soupé chez moi : envoie-moi un bijou avec ta carte, nous serons quittes.