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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/248

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une brume étrange et sans contours. Le vent léger crée des frisselis partout, dans l’herbe et dans les buissons feuillus, dans les arbres et dans l’air même, dont les couches transparentes frottent les unes sur les autres avec une douceur de velours.

Des ombres vagues et énormes font à terre une horde de noirs fantômes. L’odeur végétale, que rehaussent la chaleur lourde et la baisse atmosphérique, annonçant la pluie sans doute, atteint l’âcreté cuivreuse d’un arome sexuel.

Une petite mare luit comme de l’or poli au milieu du bruit que répandent les grenouilles furtives et épouvantées. La route devant Jean est droite. Il sait que là-bas, au ras de ce noyer géant qu’il connaît, il sera devant sa porte.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Jean avance maintenant avec une sorte de peine. On dirait qu’il a peur.

Il sent sous sa main les billets de banque. En ses organes vit tout un monde de bonheur qu’une caresse de Lucienne fera éclore. Mais un frisson glace soudain son front, comme si on lui avait cerclé le crâne avec une anguille vive.

Devant, à quarante mètres, c’est la maison.

Lucienne est là.