Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/78

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soin, car les idées du Révérendissime abbé remuaient en lui d’étranges désirs, qu’il attribuait à la seule volonté de faire régner la sagesse et la pureté dans le monastère de Fulda, mais qui avaient peut-être une autre origine moins avouable. Il ne vit rien et crut Ioan vraiment en règle avec le Seigneur.

Un jour de printemps cependant, Ioanna se sentit lasse et la tête lourde. Chaque mois elle dissimulait avec soin à ses frères son indisposition féminine, et nul ne soupçonnait toujours rien. Elle couchait dans une petite cellule isolée, car l’abbaye était pleine de moines, et l’abbé avait craint la corruption du néophyte dans les dortoirs communs.

C’est que Raban Maur connaissait les humains. Il n’ignorait aucunement que pour certaines de ses ouailles le mobile qui les attachait à Fulda fût tout autre que la dévotion et l’amour de Dieu. Il pensait toutefois que les voies divines sont impénétrables, et qu’on peut faire un juste avec même le criminel. Il n’en fut pas moins heureux de donner à Ioanna une cellule occupée auparavant par un envoyé du Pape de Rome, qui avait séjourné un an dans le monastère afin d’en soumettre les règles à Sa Sainteté.

Or, ce jour-là, Ioanna, lasse, obtint de frère Wolf la permission de se coucher. Elle avait une sorte de fièvre et les yeux creux.