Page:Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847.djvu/455

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livre de mort pour les méchants, et le livre des hommes qui tiennent le milieu. C’était d’après l’examen le plus sévère des vertus et des vices que le juge prononçait, et il apposait un sceau sur le front de celui qu’il avait jugé. Cette fiction platonicienne se trouve encore dans l’ouvrage d’initiation aux mystères de l’Agneau chez les Chrétiens ou dans l’Apocalypse. On remarque en effet, parmi la foule des morts, que les uns, ce sont les damnés, portent sur le front le sceau de la bête infernale ou du génie des ténèbres, et que les autres sont marqués au front, du signe de l’ Agneau ou du génie de Lumière.

Les jugements étaient réglés sur le code social en grande partie ; et c’est en cela que la fiction avait un but vraiment politique. Le grand juge récompensait les vertus que les sociétés ont intérêt d’encourager, et punissait les vices qu’elles ont intérêt de proscrire. Si les religions se fussent bornées là, elles n’auraient pas autant dégradé qu’elles l’ont fait la raison humaine, et on leur pardonnerait presque l’artifice en faveur de l’utilité du but. On sait gré à Ésope de ses fables, à cause de leur but moral, et l’on ne peut pas l’accuser d’imposture, puisque les enfants mêmes ne s’y laissent pas tromper ; au lieu que les fables de l’Élysée et du Tartare sont crues à la lettre par beaucoup d’hommes, qu’elles tiennent dans une enfance éternelle.

Chez les Grecs et chez les Romains, cette grande fable sacerdotale avait pour but de maintenir les lois, d’encourager le patriotisme et les talents utiles à l’hu-