Aller au contenu

Page:Duquet - Pierre et Amélie, 1866.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
PIERRE ET AMÉLIE.

l’habitation ; les toisons, les toiles qu’elle lavait au courant d’une onde pure le disputaient en blancheur à la neige. Le soir, tandisque ses nourrissons dormaient leur sommeil d’ange, dans un même berceau, elle courait, la tête nue, et le seau au bras, dans un coin du parc, appelant et la vache oisive, et la chèvre errante qui accouraient à sa voix lui présenter leurs mamelles gonflées, d’où elle faisait jaillir entre ses doigts, un lait plus pur que le miel fraîchement extrait de l’alvéole parfumée. Après le dernier repas du jour, Léopold, fatigué d’un travail rude, prenait le frais sur le seuil de sa cabane, poussait vers le ciel en ondes argentées la fumée de sa pipe, prêtait l’oreille aux gémissements de ses troupeaux, au froissement du feuillage sous la brise nocturne, ou partageait les tendres caresses que prodiguait Clothilde aux deux jeunes orphelins.

Si les chagrins ne peuvent fuir les maisons superbes, les salons brillants d’orgueil, ils s’envolent et disparaissent sous le beau ciel qui couvre la verte couche des campagnes. C’était sous l’humble toit d’un chaume que Léopold et Clothilde oubliaient leur malheur ; c’était sous un toit où séjournait la vertu que se développaient Pierre et Amélie. Déjà ces deux jeunes enfants commençaient à se témoigner un attachement assez sensible ; et, comment pouvait-il en être autrement ? Ils avaient sucé le même lait et dormaient dans le même berceau. Que pouvait dire la nature à leur jeune cœur, si ce n’est : « aimez-vous. » Leur séparation, quelque peu longue qu’elle fut, était toujours suivie de longs cris de douleur, qui, dès leur réunion, faisaient soudainement place aux