Page:Duquet - Pierre et Amélie, 1866.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
PIERRE ET AMÉLIE.

coupait les mauvaises herbes, le chardon aride sur le sillon où croissait la patate ; ou un râteau en mains, il glanait, çà et là, les épis épars sur le sol. Quand il travaillait avec son père et sa mère à l’extrémité du vallon, Amélie leur apportait le repas du milieu du jour. À midi, le visage tourné au levant, Pierre disait à ses parents « l’ombre s’allonge droit à mon côté, les troupeaux cherchent l’ombrage ; je vois venir Amélie ; » il disait, et toute la famille allait s’asseoir en rond près des ondes crystallines d’un ruisseau, sous un arceau verdoyant et fleuri ; Amélie puisait de l’eau dans une cruche de terre, et déployait sur le gazon une nappe d’un lin plus blanc que l’écume des cascades ; et les convives commençaient leur repas champêtre ; une viande saine et agréable, un pain du plus pur froment, des patates d’un goût délicieux, des œufs frais, du lait de chèvre dans des vases d’écorce de bouleau, encore teints de l’incarnat des fraises que Pierre avait cueillies dans la prairie voisine, et qu’il distribuait en parts égales pour le dessert, étaient la nourriture que ces heureux enfants de la ferme préféraient aux mets exquis et variés dont le sybarite nonchalamment assis sur sa couche, se regorge à foison. Après le repas, mollement étendus à l’ombre de la voûte feuillée, une légère brise, embaumée de l’odeur des moissons, les invitait au sommeil. Une heure de repos, et les travaux recommençaient avec une nouvelle ardeur ; les épis grinçaient en tombant sous les efforts de la faucille tranchante ; sous leurs mains laborieuses, les gerbes s’érigeaient en bataillon, fortement