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PIERRE ET AMÉLIE.

On riait, on applaudissait, on battait des mains ; les jeunes filles souriaient et baissaient la vue en rougissant, on leur avait dit tout bas quelques mots d’amour. Amélie, par l’élégance de son maintien et la grâce de ses mouvements, attirait les yeux de tous les assistants, dont beaucoup d’entre eux reconnaissaient leur bienfaitrice ; mais elle n’osait lever les siens que sur Pierre, qui pressait avec effusion sa main fine et brûlante. La clarté mélancolique de la courrière nocturne illuminait les joyeux danseurs, et dessinait leurs ombres mouvantes sur les troncs mousseux des arbres d’alentour.

Les chants, les jeux et la danse étaient suivis d’histoires de loups-garous, de fantômes et de revenants. On disait comment l’âme d’un enfant mort sans baptême prenait la forme d’une légère boule de feu, qui se plaisait à voltiger dans les lieux tristes et déserts, près de la lisière des bois sombres, ou sur les chemins isolés, pour tromper la route du voyageur nocturne ; comment un homme, métamorphosé en chat noir, pour avoir fui l’église pendant sept longues années, fut ramené à sa nature primitive par une commère qui lui fit jaillir du sang de la tête pendant qu’il s’engraissait du lait de sa laiterie ; ils disaient aussi les plaintes lugubres, les grincements affreux, le sifflement des fouets, les bruits de chaînes entendus sous le toit solitaire d’un château abandonné, les chants langoureux d’un essaim de mauvais génies emportés dans un char aérien pendant le calme de la nuit, une mère avertie de la mort d’un fils éloigné, par les cris d’un effraie sur la pierre funèbre d’un cimetière voisin, ou les