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PIERRE ET AMÉLIE.

ronflements d’un rouet dans un des coins du grenier. Ils n’oubliaient pas les apparitions de parents et d’amis décédés, demandant à voix basse de prier pour la paix de leur âme ; enfin, mille histoires d’un genre analogue à celles-ci étaient racontées avec toute la gravité et la persuasion dont ils étaient capables. Penchés en avant, les yeux fixés sur le conteur, les vieillards comme les jeunes gens n’osaient respirer dans la crainte de perdre un mot du récit ; et les larmes qui brillaient suspendus aux cils de leurs paupières disaient combien leur âme était naïve et leur cœur sensible et bon ; quelques charmantes historiettes ramenaient enfin la gaîté ; la lune avait passé le milieu de sa course, on chantait la dernière chanson, et chacun prenait le chemin de sa demeure, l’âme remplie des innocents souvenirs de la soirée ; et souhaitant déjà avec anxiété de revoir la fin de la prochaine moisson pour fêter de nouveau, en l’honneur de la grosse gerbe.

Cependant Pierre et Amélie avançaient en âge, et leur réciproque amour formait tous les jours d’agréables et nouveaux liens ; au bord des ruisseaux, sur les rives du Saint Laurent, sous l’arbre du désert, dans la caverne rocheuse comme à l’ombre des lianes fleuries de la fontaine, ils disaient, à chaque heure de la journée, dans le langage franc et naïf de leur cœur, combien ils s’aimaient. « Je t’aime, disait Pierre, en s’adressant à Amélie, je t’aime plus que tout ce qui nous environne, plus que mon père, plus que ma mère, plus que moi-même ; si je suis loin de toi, je ne puis vivre, il me semble que l’air ne soit qu’à tes côtés. La nuit, si j’entends les plaintes de la