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PIERRE ET AMÉLIE.

que je t’ai… » ! puis, comme effrayée de ce qu’elle allait prononcer, elle fuyait tremblante dans les plus sombres allées du bocage. Il fallait encore quelque chose pour aggraver les maux de cette pauvre Amélie.


V


Une des plus étouffantes chaleurs qu’on ait vues vint désoler cette contrée ; c’était vers la fin de juillet, le soleil semblait vouloir concentrer tous ses feux sur le Canada, tant il causait de ravages ; les ruisseaux étaient taris, les rivières se desséchaient ; et la terre ouvrant ses flancs de toutes parts, aspirait l’eau du ciel, mais, pas le moindre indice de pluie, pas le moindre vent, pas la moindre brise ; l’atmosphère était un fardeau aux poumons, la nuit même n’apportait aucun soulagement, partout la flamme des incendies, partout la fumée, partout des courages abattus.

Amélie sentait le feu courir dans toutes ses veines ; sa santé s’altérait, et sa belle figure, empreinte de la plus profonde mélancolie, perdait tous les jours de sa fraîcheur ; la clarté du jour lui était insupportable : et, la nuit, elle appelait l’aurore. Un soir que les symptômes de son mal semblaient devenir plus graves, elle abandonne sa couche, et s’éloigne de la cabane ; le moindre vent, le moindre bruit l’étonne, elle a peur de son ombre ; elle croit voir Pierre marcher vers elle dans l’obscurité ; elle lui parle, elle court vers lui ; mais, vaine illusion, vaine ombre ;