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Page:Duquet - Pierre et Amélie, 1866.djvu/30

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PIERRE ET AMÉLIE.

restent quelque temps ensevelis dans le paroxysme de leur bonheur. Pierre enfin parle le premier.

— Amélie, dit-il, mon amante ma bien-aimée, tu veux me fuir, tu t’éloignes de moi, exposée aux fureurs de l’orage, tu préfères écouter les rumeurs sourdes du vent autour de ces rochers que la voix de celui qui t’aime, sous les vignes de notre bassin ; si ma présence t’est odieuse, dis-le moi, je fuirai le beau soleil de notre contrée ; mes yeux verront en pleurant disparaître à l’horizon les arbres de ma patrie quand, sur le dos de l’océan, je m’éloignerai de notre plage ; mais écoute ; prends garde que ce même océan, m’ensevelissant dans ses ondes, roule mon corps sur les grèves de notre fleuve, tu me verras, tu sauras que je t’aimai ; tu pleureras, mais il sera trop tard !

— Pierre, Pierre, ne parle pas de t’éloigner ; tu veux me fuir, veux-tu me rendre plus malheureuse que je ne le suis. Hélas ! si je me suis égarée cette nuit, c’est parceque je croyais te suivre ; ton image est sans cesse devant mes yeux… mais il ne faut pas perdre de temps, l’orage nous menace, nous n’avons pas le temps de nous rendre à notre habitation avant les premières averses, allons nous asseoir sous ces deux sapins, dont les rameaux fortement entrelacés couvrent au loin le sol, c’est un abri que Dieu nous offre, vite, allongeons nos pas dans l’ombre, allons nous mettre à leurs pieds ; mais arrête… avant, prends ceci, c’est un gage éternel de mon amitié ; et elle lui présentait les longues tresses dorées de sa chevelure cette nuit même, ajouta-t-elle, je les ai coupées pour toi.

Cependant des bruits sourds, semblables aux mugis-