se rendre sur cette colline quelques temps après le coucher du soleil, afin d’échapper à la flèche des Iroquois, n’était pas encore arrivé à une heure déjà avancée de la nuit.
La nuit était sombre et lugubre, de gros nuages couvraient la surface du ciel ; la lune apparaissait derrière ces voiles épais comme la lumière d’un phare à travers la brume. L’horizon était tout rouge de la lueur des incendies qui embrasaient les forêts et les moissons, unique espoir du pauvre colon. La nature était silencieuse ; on n’entendait que les murmures du vent sur les obstacles de son chemin, les chuchotements et le bruit des pas des hordes sauvages qui se tenaient en embuscade dans les bois, ou s’approchaient des habitations pour y saisir leur proie. L’effroyable aspect de la nuit, la crainte des Iroquois, le long retard du père Garnier tout concourait à semer l’inquiétude dans l’âme de nos jeunes amants ; et toute la famille, retirée au fond de la chaumière écoutait en silence le moindre bruit qui pouvait parvenir à leurs oreilles, Amélie, agenouillée avec Pierre au pied d’une petite chapelle, que ce dernier avait entouré de branches de sapins et de chênes verts, portait ses regards sur une madone faiblement éclairée par une bougie toujours prête à s’éteindre sous le vent d’une fenêtre voisine ; et des larmes involontaires, qu’elle essayait en vain de cacher à son amant sillonnaient son visage. Pierre, craignant de troubler le silence parle ainsi à voix basse.
— Amélie, ma chère Amélie, nous sommes devant l’autel où le saint père viendra dans quelques minutes