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PIERRE ET AMÉLIE.

cyprès du ravin, et paraissaient déplorer la perte de ceux qui leur donnaient souvent des graines à manger ; les troupeaux assemblés autour de la cabane faisaient retentir le vallon de tristes gémissements : et tous les habitants des chaumes environnants accouraient en foule répandre des larmes et jeter des fleurs sur la tombe de leurs amis et de leurs bienfaiteurs ; plusieurs d’entre eux voulaient même s’ensevelir dans leur fosse, en disant qu’ils ne pouvaient vivre s’ils étaient condamnés à ne jamais revoir Pierre et Amélie.

Hélas ! famille trop malheureuse, amants infortunés, que tout est changé depuis que vous n’êtes plus… ! Ces lieux qui ont retenti des cris joyeux de votre enfance, ces lieux jadis riants et enchanteurs, sont maintenant arides et déserts. Le chardon solitaire élève de toutes parts sa tête grisâtre et désolée. Les bosquets fleuris sont disparus et ont fait place à la ronce épineuse. De tous ces arbres à l’ombre desquels vous vous entreteniez si souvent, en prenant le frais au milieu du jour, à peine en voit-on s’élever isolément quelques troncs mousseux, où le vent des nuits vient souffler et gémir. Cette fontaine, d’où vous aimiez à contempler les flots blanchissants du majestueux Saint-Laurent, qu’est-elle devenue ? on ne peut même dire, elle était là. Cependant le temps, ce fleuve inexorable, qui engloutit tout dans sa course rapide, a voulu conserver votre cabane, marque irrévocable du respect qu’on doit à la vertu héroïque et malheureuse.

C’est sous le toit qui vît naître votre amour que je viens de voir passer ma centième année, c’est à l’âtre