Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/108

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changerait. Je voudrais que vous les entendiez causer ces deux-là, vous qui êtes un monsieur et qui en savez plus que nous autres paysans, pour me dire s’il n’y a pas à la campagne des bonnes têtes. Nous sommes contre le gouvernement, nous, nous ne nous en cachons pas !…

Voyant que ses deux compagnons ne paraissaient pas très-satisfaits de l’aveu fait à un inconnu, Cardonchas continua : Vous êtes un honnête homme, vous ne nous dénoncerez pas au substitut ou au sous-préfet ; moi, je me connais aux figures, je sais qu’on peut parler avec vous, rien qu’à voir la vôtre !

Les paysans se rassurèrent.

— Tous les hommes sont frères, dit solennellement le grand Mâcheron en buvant.

— À votre santé ! ajouta Lapotte en trinquant avec Louis, on trouve des amis partout quand on comprend le monde.

Louis fut déconcerté par la perspective d’une conversation humanitaire avec ces trois hommes qui avaient fortement bu. Il craignait que, bien que le vin semblât les disposer à la fraternité, ils ne se moquassent de lui. Aussi rompit-il les chiens, sans se soucier de plaire ou déplaire à la singulière société.

— Mais, dit-il à Cardonchas, vous avez donc plusieurs passions à la fois ? Ordinairement une seule suffit pour occuper son homme.

— Comment ça ? demanda le paysan.

— Je vous ai vu danser dimanche au Mail, et il m’a semblé que vous vous en donniez !

De cette façon, pensait Louis, il ne va pas tarder à être question de Lévise.

Cardonchas fit le modeste.

— Oh ! dit-il, on doit bien danser si on le peut, mais