Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/137

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tré. Puis, tout à coup, elle le regarda en face avec une sorte de défi joyeux et malicieux.

— Et vous ! s’écria-t-elle, pourquoi m’aimeriez-vous ? Si cela est vrai ! il faut me le dire aussi.

Louis se mit à rire ; le charme de ces doux enfantillages le ravissait.

— Moi, dit-il, c’est parce que vous êtes une affreuse petite paysanne, sotte, méchante et coquette.

Lévise rit à son tour.

— C’est parce que, continua-t-il, vous avez besoin d’être aimée et vous méritez qu’on vous aime. Vous êtes délicate, bonne, et la moindre des choses peut vous affliger ; vous avez besoin qu’on vous soutienne et vous encourage, qu’on apprécie chacune de vos pensées, car vous n’avez pas une pensée qui ne soit comme du velours et de la soie qu’il faut manier avec précaution.

Louis sentait qu’il parlait un langage bien raffiné pour l’esprit de Lévise ; mais si elle ne comprenait pas les mots, elle comprenait l’émotion de la voix, la chaleur du ton, l’attendrissement et l’éclat des yeux.

Louis n’avait pas dit encore à Lévise la moitié des choses qu’il avait à lui dire, et ne les lui avait point dites comme il le voulait ; mais la nuit arrivait, les premières ombres du soir cachaient peu à peu les arbres, le village et la campagne. Le nombre des paysans qui revenaient des champs augmentait sur la route. Louis et Lévise ne pouvaient rester là plus longtemps. Le jeune homme eut la pensée de proposer à Lévise de venir dans sa maison pour ne plus s’en éloigner. Pourquoi s’imposer des retards pénibles et remettre sa satisfaction au lendemain ? Mais il fallait bien se soumettre à la plus simple sagesse ; on avait assez donné à l’instinct et à la passion.

Néanmoins Louis devint triste en considérant l’effort