Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/160

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— Quelle étrange chose ! reprit Louis, il y a deux mois, aurions-nous songé que nous serions ici tous deux ; et que ni pour l’un ni pour l’autre rien de ce qui existait avant cette rencontre n’aurait plus de valeur. Il me semble, pour moi, que je commence à vivre seulement depuis que nous sommes ici. Tenez, ne marchons plus, asseyons-nous, nous parlerons mieux…

Ils s’assirent. Louis prit la main de Lévise ; il ne savait comment contenir plus longtemps le débordement d’amour qui rompait toutes les digues en lui. Il aurait voulu se coucher comme un chien aux pieds de Lévise, se rouler sur l’herbe où elle avait marché. Il voyait en elle une reine, une souveraine. Il aurait désiré qu’elle lui donnât les ordres les plus extravagants, pour lui obéir, pour se faire esclave. Il la trouvait trop silencieuse, trop recueillie.

— Êtes-vous comme moi ? lui demanda-t-il, êtes-vous aussi heureuse que je le suis ? Et je pense que c’est vous, vous seule, qui avez été assez puissante pour chasser loin de moi les soucis, les inquiétudes, les colères qui n’ont cessé de s’emparer de moi depuis que je ne suis plus un enfant ! Et ici je me trouve enfin si calme, si sûr de l’avenir, si confiant dans tout ce que je veux entreprendre !

— Je voudrais bien vous porter bonheur, dit Lévise.

— Et moi, vous porterai-je bonheur ? vous ne dites presque rien, pourquoi ne parlez-vous pas ?…

— Non je ne pourrais pas parler ! mais vous, parlez ! j’aime tant à vous écouter, je comprends tout ce que vous dites.

Louis appuya sa tête sur l’épaule de Lévise. Elle posa sa joue contre celle du jeune homme. De son bras il lui tenait la taille, et son autre main serrait celles de Lévise.