Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/162

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blement sa maitresse ; il avait obtenu victorieusement qu’elle prît possession de lui, et ce tutoiement était la chaîne d’or qui les unissait.

Louis se jura à l’instant même d’être loyal envers la jeune fille, de ne jamais trahir sa confiance, de ne jamais l’abandonner. Cette pensée fit qu’il craignit aussitôt qu’elle n’eût quelque inquiétude sur cette loyauté, car Lévise restait silencieuse.

— Est-ce que tu es fâchée, est-ce que tu as du regret ? demanda-t-il avec anxiété.

— Oh ! répondit-elle en se jetant à son cou, que dis-tu là ?

— Quoi de plus beau que mon sort ! se dit Louis tout le long du chemin en revenant, et ne sentant qu’une chose : c’est qu’il était heureux, très-heureux.

L’irrésistible pouvoir féminin s’était abattu sur lui. Que la femme soit une paysanne, une courtisane, une bourgeoise, une princesse, une servante, la femme est éternellement victorieuse. Rien ne sert de lutter contre elle. Qui oserait nier cette puissance qui renversera toujours à ses pieds l’homme tout entier : vertu, intelligence, honneur, énergie, esprit, scepticisme, férocité, vice, égoïsme ?

La timidité n’a qu’un charme qui s’émousse promptement, aussi Louis vit-il avec plaisir le jour suivant que Lévise s’était comme redressée et avait une allure gaie et fière. Il en fut frappé.

Quant au jeune homme, l’atmosphère où il vivait était toute remplie de Lévise. Un rien dans la personne de celle-ci l’absorbait. Il passait des heures à la regarder aller et venir, à contempler ses cheveux, son visage, la ligne de ses épaules, y découvrant sans cesse de nouvelles merveilles. Tout en elle semblait une caresse et la jouis-