Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/173

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maine environ après cette publication, et Lévise avait offert à Euronique de l’aider à coudre la robe de noces à laquelle elles travaillaient toutes deux. Euronique et Lévise étaient devenues très-bonnes amies en apparence.

Louis entendit une de leurs conversations, qui le convainquit que Lévise avait noué cette amitié, moins par sympathie que par intérêt. Elle voulait s’enquérir du caractère du jeune homme, de ses habitudes, et questionnait la vieille pour savoir qui il était au juste, car elle n’avait osé rien demander à Louis à ce sujet. Louis écoutait quelquefois derrière la porte ce babillage de femmes avec un extrême plaisir, et il souriait en entendant Lévise qui disait : — Il est si bon, est-ce un noble ? Il est d’une grande famille n’est-ce pas, madame Cardonchas ? Savez-vous pourquoi il est venu ici ? et ensuite qu’est-ce qu’il aime à manger ? Que faisait-il le soir ? et mille autres choses analogues. Euronique répondait que Louis n’était pas méchant, mais qu’il avait ses lunes ; qu’il était « très-gourmand », qu’il était très-riche à en juger par le coffre doré, qu’il était venu pour une mystérieuse affaire, car il avait souvent l’air préoccupé : qu’il fallait toujours faire semblant de dire comme lui quand il se montrait extravagant, ce qui lui arrivait souvent, et ne pas se déranger tout de suite parce qu’il changeait vite d’avis ; qu’il n’était pas difficile à mener et qu’on lui en faisait facilement « accroire ».

Euronique, en un mot, paraissait ne voir absolument en Lévise qu’une femme de ménage comme elle-même. Du reste, la vieille préoccupée de la disparition de Cardonchas parlait plus de celui-ci que du jeune homme, et Lévise, pour séduire la servante, était obligée de prendre un grand intérêt au petit danseur.