Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/334

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ordre et défilèrent un à un. Une grande crise de désespoir eut lieu, la fièvre, le délire recommencèrent. La vie de Louis fut plus gravement compromise par le chagrin que par la blessure du corps. Ensuite l’apaisement du mal physique se fit, et l’amélioration matérielle amena un bonheur tout égoïste, qui prit une part des préoccupations du jeune homme et l’empêcha d’être tout entier à la douleur de son irréparable séparation avec Lévise. La délivrance de la maladie entraînait avec elle l’idée d’une délivrance générale. Le brusque éloignement des lieux dont l’aspect était tout rempli de Lévise, la présence d’autres endroits qui ne parlaient point d’elle contribuaient à diminuer l’émotion que pouvait inspirer à Louis l’apparition de la figure de la jeune fille lorsqu’il l’évoquait. Cette figure était comme voilée et lointaine. La violence, l’étrangeté du choc amenait une transformation totale de l’homme et de sa vie. Le souvenir se trouvait enfoncé dans le coin de son cœur engourdi, ainsi qu’une balle restée dans les chairs, qui fait souffrir parfois, mais point tous les jours. Sa liaison avec Lévise avait créé pour Louis un moment d’ivresse, de trouble, mais non une habitude d’affection impossible à déraciner. Cette liaison avait été courte. Il s’y rattachait la pensée de grands tourments, tourments qui devaient se renouveler avec l’avenir même de la liaison. Louis, par la blessure reçue aux côtés de la jeune fille, par les soucis qu’il avait éprouvés à cause d’elle, payait sa dette à la mémoire de Lévise. Elle était morte ! Elle était donc en repos et à l’abri de tous déboires. Il n’avait pas à s’affliger, à craindre que personne la fît souffrir. Il ne la reverrait plus jamais, mais plus d’inquiétudes, plus d’alarmes pour elle ni pour lui. Il n’aurait plus la terrible angoisse de la savoir torturée, de la savoir en danger, et de la savoir