Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/340

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secousse qu’il eût encore reçue depuis l’assassinat. Parmi les pièces de conviction étalées devant les juges se trouvaient les vêtements ensanglantés de Lévise ! À cette vue tout Mangues surgit devant lui, et les belles et les pénibles journées, et Lévise l’infortunée, Lévise la victime, Lévise oubliée, abandonnée dans sa tombe par un cœur ingrat, Lévise jetant une de ces plaintes résignées qui autrefois tordaient et brisaient ce même cœur ! ce même cœur qui se brisa de nouveau comme jamais il ne s’était brisé.

On crut que Louis allait tomber. Il fallut le faire asseoir, le soigner pendant un instant. Alors il se rendit compte de l’endroit où il était. Il y avait là des spectateurs, il ne voulut plus à aucun prix donner ses sentiments en spectacle, et il maintint en se raidissant par un grand effort, sa résolution de déposer comme s’il était détaché de tout intérêt dans la cause.

D’un ton d’abord troublé, puis qui s’affermit, il raconta très-brièvement les faits, c’est-à-dire son histoire.

Il termina par ces mots : Je n’ai rien à dire contre les accusés, quant à ce qui me concerne. Je reconnais qu’ils étaient dans leur droit.

Alors le président et le ministère public relevèrent un à un les points qui pouvaient aggraver ou atténuer la criminalité du meurtre.

— Cette déclaration est grave, lui dit-on. N’aviez-vous aucunement l’intention d’épouser la fille Hillegrin ?

Une grande curiosité suspendit l’auditoire élégant à la réponse de Louis.

— J’en avais l’intention ! répondit-il.

— Pourquoi avez-vous déclaré à son frère que vous n’en feriez rien ?

— Il ne me convenait pas de céder devant une certaine brutalité de langage.