Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— Vous n’êtes plus malade ? lui demanda-t-il, lui suggérant à dessein un système de justification.

— On est bien malheureux quand on n’a pas reçu d’instruction, dit Lévise d’une voix si altérée, qu’il entendit à peine.

— Oh ! reprit-il en riant, c’est ma faute, j’avais cru apporter le livre qui fait tenir les yeux tout grands ouverts, et je me suis trompé, j’ai pris celui qui les fait fermer, le livre que le médecin m’a donné pour m’endormir le soir.

Louis jugeait Lévise assez naïve à l’endroit des livres pour ne pas distinguer s’il plaisantait ou s’il était sérieux : elle l’aurait cru volontiers pour se persuader qu’elle n’était pas coupable.

Dans le doute, elle répliqua : Il ne faut pas se moquer de moi, il est bien assez triste de ne pouvoir comprendre les belles choses !

Elle était navrée. Son chagrin amusa Louis, qui se laissa aller au plaisir de la taquiner.

— La lecture n’a pas été perdue, continua-t-il, puisqu’elle vous a procuré un peu de bon sommeil.

Les traits de Lévise se contractèrent. Louis vit qu’elle luttait contre les larmes, et, en effet, d’un ton amer et entrecoupé : Je voudrais… dit-elle, n’être jamais… venue ici.

Louis ne savait si l’amour-propre froissé ne se mêlait pas en elle à la crainte et au regret de l’avoir blessé. Pour la consoler, il reprit : Il ne faut pas vous affliger ; en dormant, vous avez montré bien plus d’esprit que si vous aviez écouté.

La phrase était trop déliée pour Lévise. Elle la prit pour une nouvelle moquerie, et, le dépit l’emportant sur tout autre sentiment, la jeune fille répondit en colère :