Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/85

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têtes des danseurs, joufflues et rouges. De temps en temps, des disputes s’élevaient entre les jeunes paysans pour une fille qui refusait de sauter avec l’un plutôt qu’avec l’autre, et des soufflets appliqués par des mères mécontentes sur la joue de leurs filles, venues en cachette à la danse, retentissaient au milieu des rires de la jeunesse qui avait la permission de s’amuser.

Louis ne voyait pas très-bien les danseurs ; un triple cordon de jeunes gens et de jeunes filles lui cachait la plus grande partie du spectacle. Tandis qu’il regardait, il entendit derrière lui de jeunes paysannes dire : Si Volusien n’était pas un loup-garou, il ne laisserait pas Lévise danser. Il n’y a pas quinze jours que la tante est morte.

Louis rougit involontairement, et son cœur s’agita à ces paroles qui attaquaient sa chère amie.

— Avec qui danse-t-elle ? demanda une autre paysanne, je ne la vois pas.

— Eh ! là-bas, avec Cardonchas.

— Elle se mettrait en enfer plutôt que de ne pas danser, reprit-on.

— Ce n’est pas bien, fut-il répliqué, je ne lui parlerai plus.

Louis n’osait se retourner pour voir qui parlait. Il lui semblait qu’on allait deviner ses sensations sur sa figure. Plongeant impatiemment les yeux dans le gros des danseurs qui étaient au moins deux cents, il cherchait à apercevoir Lévise, déjà mécontent qu’elle dansât avec ce Cardonchas, au nom grec ou provençal… un galant peut-être !

— Cardonchas est un fameux danseur ! Elle aussi va bien ! dirent les jeunes filles.

— C’est égal, la Hillegrin n’a pas de conduite, continua