Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/86

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celle qui blâmait. Si j’étais en deuil depuis si peu de temps, je ne danserais pas.

— Ah ! pourtant, quand on entend la musique ! répliqua une autre dont les pieds trépignaient d’avance.

Louis distingua enfin Lévise. Elle exécutait un avant-deux avec un petit homme noir, d’une quarantaine d’années, vêtu d’un habit vert dont la longue queue lui battait furieusement les mollets à chacun des beaux entrechats qu’il faisait, selon l’ancienne mode.

— Il est impossible, pensa aussitôt Louis, que cet être grotesque soit le galant de Lévise et puisse lui plaire d’aucune façon.

Il était révolté d’avoir même l’idée que ce fût là un rival. L’aspect de Cardonchas empêcha la jalousie d’entrer dans l’esprit de Louis ; l’empêcha ! c’est-à-dire la combattit.

— Lévise danse avec lui, se dit le jeune homme, parce qu’il a sans doute une grande réputation de grâce et de légèreté dans le pays. Cependant les femmes sont si étranges !

Il se rapprocha de Lévise et de son cavalier, qui se trouvaient à l’autre bout du Mail, et lorsqu’il s’arrêta en face d’eux, quelqu’un disait encore : Est-il assez fou, ce Cardonchas ! mais c’est égal, c’est un fameux danseur !

Pourquoi la gloire de Cardonchas n’aurait-elle pas en effet séduit Lévise ? Louis en avait quelque inquiétude, mais il se gourmanda. La jeune fille était gracieuse dans sa danse ; on ne pouvait lui savoir mauvais gré d’aimer à danser. C’était la marque d’une nature joyeuse et vive. D’ailleurs, s’il y avait eu quelque chose à en dire, Euronique n’eût pas manqué de parler à Louis du petit homme noir, du célèbre danseur Cardonchas. De quoi s’inquiétait-il donc ? Ne supporterait-il pas que Lévise s’amusât