Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/115

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pu nous expliquer ! Tout le monde va être furieux ; on va faire toutes sortes de suppositions.

— C’est peut-être un bien, au contraire, répondit Émile ; on aura vu mon portrait, on voudra peut-être me connaître, ma figure peut les disposer mieux en ma faveur ! »

Henriette trouva cette réponse par trop naïve, elle reprit :

« Il faut que vous alliez demain chez ma mère. Maintenant il n’y a plus à hésiter. Nous sommes punis d’avoir tant perdu de temps !

— Cela, reprit Émile, ne m’empêchera pas de venir cette nuit !

— Non, répondit Henriette d’un ton décidé, il faut s’occuper des choses sérieuses ; ce sont ces projets-là qui nous ont nui !

— Le mariage va peut-être s’arranger tout seul ! dit Émile, toujours confiant.

— Oui, mais allez-y, surtout allez-y ! pensez combien je suis exposée à des reproches et à des soupçons.

— Certainement, ma chère Henriette, répliqua Émile en l’embrassant, ne vous désolez pas, je me figure que loin d’être un malheur… »

Aristide arrivait alors à pas de loup dans le massif. Les deux jeunes gens ne l’entendirent que lorsqu’il fut près ; en voyant apparaître un homme à quelques pas, Émile perdit un peu la tête, il se sauva comme un malfaiteur, mais pendant qu’il franchissait le mur, le frère d’Henriette put le reconnaître. Aristide bondit vers sa sœur, et d’un air furibond qui effraya et irrita en même temps la jeune fille :

« Avec qui étais-tu là ? » lui dit-il.

Henriette, interdite par ce ton de menace, ne répondit pas.

« Tu vas revenir à la maison tout de suite, ajouta Aristide en la prenant par le bras et en la tirant brutalement.

— Lâchez-moi ! dit Henriette très émue.

— Tu nous déshonores ! » s’écria Aristide, la forçant à marcher.

Le dédain qu’Henriette avait pour son frère lui rendait