Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/242

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Corbie éprouva de la jalousie contre son heureux neveu.

« Ah çà, tu t’es donc déclaré ? dit-il.

— Non, pas si vite ! mais j’ai vu ! Et puis, c’est l’instinct !

— On va plus loin qu’on ne veut avec l’amour, ajouta Corbie : c’est une maladie qui laisse des traces ! »

Les paroles chagrines de cet homme désillusionné ne glacèrent point la chaude vaillance d’Aristide, qui croyait voir s’étendre devant lui des avenues tout illuminées.

« Dame ! c’est bon, tout de même, répliqua le jeune homme.

— Je te dis que ça laisse des traces, s’écria Corbie, dont la figure devint sombre. Ensuite il faut se venger, et c’est amer.

— Oh ! je ne me laisserais pas faire par une femme, dit Aristide.

— Ne t’y fie pas. C’est un pré marécageux où il faut veiller à ne pas s’enfoncer.

— C’est moins roué qu’on ne croit, les femmes ! » continua Aristide, remuant intérieurement des océans de malice et se sentant une supériorité vivifiante.

En quittant son oncle, il traversa le bourg et passa devant la maison de Perrin. L’imbécile lui cria :

« Veux-tu que j’aille chez toi demain, Aristide ?

— Non, non, dit Aristide ne se souciant plus désormais des joies que lui procurait Perrin ; Madame Vieuxnoir remplissait tout.

— Et après-demain ?

— Non, je suis occupé. Je t’enverrai chercher. »

Perrin rentra tristement dans la boutique. Aristide marcha d’un pas délibéré vers les Tournelles. Depuis qu’il était si bien apprécié par madame Vieuxnoir, il possédait la force et ne craignait plus les dédains d’Henriette. À son tour il voulait humilier sa sœur.

Madame Gérard avait dit au président : « Mon fils a une toilette singulière et un air d’empereur romain aujourd’hui ! »

M. de Neuville, qui se trouvait dans la vestibule lorsque Aristide revint, le plaisanta :