Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/280

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— Vous m’avez envoyé de très belles fleurs, interrompit la jeune fille.

— Elles vous ont plu ? demanda-t-il avec vivacité.

— M. Mathéus a tant de goût ! » dit madame Gérard, toujours en garde comme un surveillant de prisonniers.

« Puis-je espérer, dit Mathéus à Henriette, que vous comptiez venir à la Charmeraye ? »

Henriette trouva que le vieux homme redevenait tracassier, et répondit d’un ton bien différent : « Demandez à ma mère, cela la regarde, je n’ai pas de volonté pour ces choses-là. »

Mathéus, effrayé, se tourna vers madame Gérard.

« Certainement nous irons, dit celle-ci, c’est convenu. »

Mathéus regarda Henriette dont le visage n’exprimait ni oui ni non.

Madame Gérard eut l’idée de laisser Mathéus s’en tirer un peu tout seul, espérant qu’une explication entre sa fille et lui amènerait peut-être un bon résultat, et sachant qu’en tout cas les affaires n’en seraient point gâtées : car, si elles avaient dû l’être, elles l’auraient été déjà cent fois.

« Il fait beau, dit-elle, si nous faisions un tour dans le jardin ? »

Ils sortirent. Madame Gérard dit à Mathéus de donner le bras à Henriette, et elle les laissa prendre le devant. Elle se tint en arrière, coupant des roses ôtant les herbes, et les regarda aller. La grande taille de Mathéus avait de l’élégance et une fausse jeunesse. Henriette était svelte, légère.

« Eh ! se disait madame Gérard, il a l’air d’avoir trente cinq ans ! De quoi se plaindrait-elle ? Nos maris n’ont jamais eu cette bonne tournure »

« Ô Mademoiselle, dit Mathéus à Henriette après avoir parlé du beau temps, voilà l’un des grands bonheurs que vous doive !

— Lequel donc ? » demanda-t-elle, feignant de ne pas comprendre.

Par malheur, la promenade la rapprochait du massif d’Émile, ainsi qu’elle appelait l’endroit des anciens rendez-vous