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CHAPITRE XVII


l’odeur des foins monte à la tête


Madame Gérard remarquait que les bougies d’Henriette étaient brûlées tout entières chaque matin.

Le domestique, en faisant les chambres, redescendait les bougeoirs, qu’on plaçait sur une table du vestibule où chacun les prenait en allant se coucher ; et quand les bougies étaient finies, Jean disait à madame Gérard :

« Il faut une bougie pour Monsieur, ou pour Mademoiselle, ou pour M. Aristide. »

Madame Gérard en fit l’observation à sa fille.

« J’aime à y voir clair, répondit Henriette : les veilleuses sont peu agréables ! »

Henriette veillait ; depuis deux jours elle voulait fuir.

Les travaux à la suite desquels la volonté peut ainsi s’arrêter fermement à une résolution difficile, pénible, sont comparables à un vannage de grains.

L’idée qui domine est enveloppée, perdue, parmi une foule de petites idées secondaires, contradictoires, qui se pressent toutes à la fois, qu’il faut secouer longtemps avant qu’elles s’écoulent et disparaissent, laissant enfin l’autre seule, nette, évidente.

Vingt fois Henriette avait recommencé les mêmes raisonnements, retardant d’heure en heure, jusqu’à ce que les mi-