Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/77

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— Je vous assure que non, Émile…

— J’ai rêvé cette nuit qu’on vous mariait…

— Je vous assure bien encore une fois qu’on n’y songe pas…

— Des jeunes gens riches, ajouta-t-il, remportent si facilement l’avantage sur ceux qui ne le sont pas !

— Oh soyez bien tranquille, Émile : comme c’est moi qu’on doit marier, dit-elle en souriant, on ne me mariera qu’avec celui que je voudrai épouser.

— Vous serez seule contre quatre ou cinq personnes qui vous obséderont, qui vous tromperont…

— Nous n’avez donc pas confiance en moi, Émile ?

— Si ; mais pourquoi a-t-on mis ce verre ?… C’est certainement contre moi.

— C’est le jardinier qui aura cru qu’il venait des voleurs de fruits. »

Émile avait une vague idée qu’Henriette ne disait pas la vérité, et, quoiqu’ayant grande envie de lui donner son portrait, il s’en retenait, serrant la boîte entre ses doigts, afin de ne pas être agréable à quelqu’un qui semblait lui cacher ce qui se passait.

Henriette fut tout émue de son visage sérieux, presque malveillant.

« Pourquoi donc n’avez-vous pas confiance en moi, dites, Émile ? s’écria-t-elle.

— Non, répondit-il, il y a quelque chose dans l’air ; vous ne me dites pas tout.

— Mais alors, reprit-elle, c’est donc vous qui savez quelque mauvaise nouvelle ?… Vous m’inquiétez beaucoup.

— Mais non ! les mauvaises nouvelles ne peuvent pas venir de mon côté.

— Mais qu’avez-vous donc ? Vous êtes changé ; vous avez l’air d’être fâché contre moi. Je ne pensais pas aux ennuis de cette espèce ; je vais être toute troublée à présent. Vous avez donc entendu dire qu’on voulait me marier ?

— Non, c’est une idée que je me fais.

– Mais qu’est-il arrivé ? Oh ! comme je suis tourmentée ! Pourquoi n’allez-vous pas trouver ma mère le plus tôt possible.

— C’est inutile…