Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/90

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« Puisqu’il était votre ami, la chose vous paraîtra plus piquante, continua M. de Neuville.

— Mais non, je n’y trouve aucun intérêt.

— C’est l’histoire de la cloche à melons où il s’est pris le pied en allant voler des fruits chez son voisin.

— Ça me rappelle, dit Aristide, ce que j’ai fait à Perrin.

— Pourquoi as-tu pris cet idiot pour ami ? » demanda madame Gérard.

Aristide, ravi, rit encore aux éclats et répondit : « Il n’y a pas un garçon plus bête. L’autre jour, je l’ai jeté la tête la première dans le tonneau du potager.

— Ç’a dû lui être agréable !

— Lui ? oh ! c’est un bon garçon. On peut lui faire tout ce qu’on veut. Cet imbécile-là, je lui avais fait croire qu’au-dessous de l’eau on voyait le portrait de la femme qu’on épouserait, juste au-dessous de son portrait à soi ! et qu’il fallait seulement entrer la tête sous l’eau et bien regarder. Il se défiait bien ; mais quand il s’est penché, je l’ai poussé et il entré jusqu’au fond. Quand je l’ai retiré, il était si drôle ! Nous nous faisions un fameux bon sang avec Jean et la cuisinière.

— Tu as une manière de parler triviale ! dit madame Gérard.

— Je parle comme tout le monde », répliqua Aristide très choqué.

Puis, n’ayant pas trouvé beaucoup d’enthousiasme au récit de ses farces, et craignant d’autres attaques contre son langage, Aristide s’en alla en grognant. Le curé profita de son départ pour fuir également. Dès qu’ils furent dehors, madame Gérard dit à son ami :

« Vous tourmentez toujours ce pauvre curé !

— Il est insupportable de le trouver toujours fourré ici !

— Mais c’est qu’apparemment cela me convient.

— Il y a cependant des moments… où il est de trop, chère amie, dit le président en se levant pour se rapprocher. Pouvais-je dire devant lui combien vous m’apparais-