Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/119

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tenant, je ne sais quel sort aura ma lettre, si elle trouvera grâce devant vous, ou si elle vous paraîtra sotte et sera jetée avec le dédain que peut-être elle mérite. Lorsque je me suis trouve assis dans votre petit salon, entre vous et la personne qui était auprès de vous, j’ai éprouvé un trouble si bizarre qu’il m’a semblé que je parlais comme un somnambule, que ce lieu était à moi, que je ne l’avais jamais quitté, que je vous connaissais familièrement depuis votre enfance, vous me prendrez certainement pour un fou, madame, que j’avais le droit de vous dire des choses intimes, et il me semblait qu’en même temps je ne pouvais le faire, qu’une autre voix que la mienne, timide, incertaine, exprimait une vague plainte, une espérance découragée, et que, comme un avocat que j’aurais chargé de plaider ma cause, elle se servait bien de mes pensées, de mes arguments, mais les employait autrement, les altérait, et j’écoutais avec surprise et angoisse, car tout ce que je voulais dire vous concernait, et la voix semblait ne point s’adresser à vous.

« Aussi quand vous avez répondu, m’agitais-je vraiment, me débattais-je contre mon état somnambulesque, car ce n’était pas à moi que vous répondiez, mais à la voix de cet autre être renfermé en moi-même et qui me trahissait à moitié.

« Puis cet accablement, cette vision, cette fantasmagorie s’est dissipée, et je me suis retrouvé dans un charmant petit salon que je n’avais jamais vu, causant gaîment de choses diverses et indifférentes avec deux femmes pleines d’amabilité, de charme et de bienveillance,