Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/133

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à présent, en me demandant sincèrement si j’aurais du bonheur à me retrouver palpitante, appuyée sur vous, soutenue par un de vos bras, je sens je ne sais quelle insurmontable gêne, je le voudrais et je ne le pourrais. Serait-ce là un de ces faux sentiments comme la toute-puissance de l’éducation en développe de si nombreux en nous, pauvres cires molles ?

« Cependant, mon cher ami, je pense avec un bonheur infini à votre visage illuminé de bonté et d’intelligence, à votre voix si tendre, à vos paroles qui me réchauffent et me font résonner comme si ma pauvre âme était un instrument sous vos doigts. Toute seule, je cause et je vis avec vous. Ma chère Guay elle-même, cette amie que vous avez vue chez moi, est reléguée dans un petit coin de mon affection où vous débordez entièrement. Votre honneur me paraît beau et incorruptible comme le diamant. Car enfin ce matin, si vous n’aviez eu pitié de moi, j’aurais une cruelle expiation à subir pour le reste de ma vie.

« J’ai peu d’expérience et, pour une femme, cela peut s’avouer assez glorieusement. Néanmoins, j’ai assez entendu parler, assez lu et même réfléchi pour savoir que les hommes ne demandent aux femmes qu’une félicité vulgaire, matérielle, après laquelle ils leur reprochent d’être abaissées à leurs yeux, et dont ils font cependant le prix suprême du bonheur. Voilà ce que je ne saurais concevoir. Pour moi j’éprouve une espèce d’horreur à la pensée que ce doit être là l’amour, et qu’une femme ne puisse le payer que par son déshonneur, en s’attirant le mépris, et surtout le mépris de