Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/219

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prince était mon ami, il a fait mon éloge au roi. C’est un souverain éclairé. Il m’a distingué. Eh mon Dieu, parce que je suis un homme vulgaire et taré ? Allons donc, qu’est-ce que cette conspiration contre le malheur ? Pour combien y entre-t-il d’envie et de lâcheté ?

Françoise n’était plus touchée, elle était effrayée. Il se sert du même langage que le plus honnête des hommes, pensait-elle, que croire ? Je sais que tout cela est du mensonge. Mais ils s’ignoreraient donc eux-mêmes à ce point.

— Voyez, voyez si j’ai été heureux, si jamais j’ai été heureux dans ma vie, jugez-en, Françoise, reprit Joachim ; je puis écrire, je l’ai montré. Eh bien ! ma pièce a échoué.

Ensuite, je veux attacher mon nom aux grandes entreprises industrielles de ce temps. Un homme me séduit par les dehors de l’amitié et de l’honnêteté, et là aussi je succombe. Mon grand-père s’est illustré dans la diplomatie, je veux continuer sa tradition : le contrecoup de ma ruine ébranle profondément ma position aux Affaires étrangères ! Dans le présent, dans le passé, je n’ai que de ces déboires ! J’ai perdu de très bonne heure mon père et ma mère, j’ai été élevé par un oncle imbécile qui est mort avant que je ne fusse majeur. Tout m’a manqué. J’ai enfin eu la chance d’épouser une femme qui… me déteste…

Ce dernier mot fut dit avec un sourire triste et d’un ton à demi-timide. Mais par moments Joachim avait accompagné ses paroles d’un rapide coup d’œil sec et perçant, jeté à sa femme pour juger de l’effet produit