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LE MARCHAND DE ZAMORA.

un peu longue me faisait désirer un barbier. Je le trouvai ; il était seul dans sa boutique. J’entrai. Le barbier était un grand jeune homme fort laid, mais d’une figure assez distinguée. Elle me frappa. Je me mis à le regarder ; j’attirai par là son attention. Pendant que sa main agile faisait écumer le savon dans un plat d’étain, il me dit : — Seigneur, n’êtes-vous pas déjà venu dans ce village ? — Non, mon ami. — C’est singulier. Certainement je ne vois pas votre figure pour la première fois. — La vôtre aussi ne m’est pas inconnue.

« Tout en causant, le barbier, d’une main légère, dépouille mon menton. À peine eut-il achevé, qu’il s’écrie : — Ah miséricorde divine ! maintenant que je vois mieux vos traits… N’êtes-vous pas un marchand de Zamora ? — Comment le savez-vous ? — Vous étiez l’ami d’Ambrosio Gavino. — Gavino ! l’auriez-vous connu ? — Ah ! seigneur Gaspard, pouvez-vous méconnaître son fils ? — Le fils de Gavino ! et lequel ? — Fabrice. — Le premier médecin du roi ? — Pas même son barbier ! — Est-il possible ? vous, Fabrice, vous ? Mais oui, voilà bien les yeux, l’air et jusqu’au son de voix de mon ami.

« À ces mots j’ouvris les bras, il s’y précipita. Les plus douces larmes témoignèrent de l’émotion de nos âmes prêtes à se confondre. J’accablai Fabrice de questions, mais je lui en faisais tant