Aller au contenu

Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
ÉDOUARD.

de ma position m’était bien moins sensible dans l’intérieur de la maison de M. le maréchal d’Olonne, ou même au milieu de sa société intime, quoiqu’elle fût composée de grands seigneurs ou d’hommes célèbres par leur esprit. Mais là du moins on pouvait valoir quelque chose par soi-même, tandis que dans la foule on n’est distingué que par le nom ou l’habit qu’on porte ; et y aller comme pour y étaler son infériorité me semblait insupportable, tout en ne pouvant m’empêcher de trouver que cette souffrance était une faiblesse. Je pensais à l’Angleterre. Que j’admirais ces institutions qui du moins relèvent l’infériorité par l’espérance ! Quoi ! me disais-je, ce qui est ici sans excuse serait là le but de la plus noble émulation ; là je pourrais conquérir madame de Nevers ! Sept lieues de distance séparent le bonheur et le désespoir. Qu’elle était bonne et généreuse à ce bal ! Elle a voulu danser avec moi, pour me relever à mes propres yeux, pour me consoler de tout ce qu’elle sentait bien qui me blessait. Mais est-ce d’une femme, est-ce de celle qu’on aime qu’on devrait recevoir protection et appui ? Dans ce monde factice tout est interverti, ou plutôt c’est ma passion pour elle qui change ainsi les rapports naturels ; elle n’aurait pas rendu service au prince d’Enrichemont en le priant à danser. Il prétendait à ce bonheur ; il avait droit d’y prétendre ; et moi, toutes mes prétentions sont dé-