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ÉDOUARD.

placées, et mon amour pour elle est ridicule ! J’aurais mieux aimé la mort que cette pensée ; elle s’empara pourtant de moi au point que je mis à fuir madame de Nevers autant d’empressement que j’en avais mis à la chercher ; mais c’était sans avoir le courage de me séparer d’elle tout à fait, en quittant, comme je l’aurais dû peut-être, la maison de M. le maréchal d’Olonne, et en suivant ma profession. Madame de Nevers, par un mouvement opposé, m’adressait plus souvent la parole, et cherchait à dissiper la tristesse où elle me voyait plongé ; elle sortait moins le soir, je la voyais davantage, et peu à peu sa présence adoucissait l’amertume de mes sentiments. Quelques jours après le bal de l’ambassadeur d’Angleterre, la conversation se mit sur les fêtes en général ; on parla de celles qui venaient d’avoir lieu, et l’on cita les plus magnifiques et les plus gaies. « Gaies ! s’écria madame de Nevers, je ne reconnais pas qu’aucune fête soit gaie : j’ai toujours été frappée au contraire qu’on n’y voyait que des gens tristes et qui semblaient fuir là quelque grande peine. — Qui se serait douté que madame de Nevers ferait une telle remarque, dit le duc de L. Quand on est jeune, belle, heureuse, comment voit-on autre chose que l’envie qu’on excite et l’admiration qu’on inspire ? — Je ne vois rien de tout cela, et j’ai raison. Mais sérieusement ne trouvez-vous pas comme moi que la foule est