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ÉDOUARD.

toujours triste ? Je suis persuadée que la dissipation est née du malheur ; le bonheur n’a pas cet air agité. Nous interrogerons les assistants au premier bal, dit en riant le duc de L. — Ah ! reprit madame de Nevers, si cela se pouvait, vous seriez peut-être bien étonné de leurs réponses ! — S’il y a au bal des malheureux, dit le duc de L., ce sont ceux que vous faites, madame. Voici le prince d’Enrichemont, je vais l’appeler et invoquer son témoignage. » Le duc de L. se tirait toujours de la conversation par des plaisanteries : observer et raisonner était une espèce de fatigue dont il était incapable ; son esprit comme son corps, et avait besoin de changer de place à tout moment. Je me demandai aussi pourquoi madame de Nevers avait fait cette réflexion sur les fêtes, et pourquoi depuis six mois elle y avait passé sa vie. Je n’osais croire ce qui se présentait à mon esprit ; j’aurais été trop heureux. Les jours suivants, madame de Nevers me parut triste, mais elle ne me fuyait pas. Un soir, elle me dit : « Je sais que mon père s’est occupé de vous, et qu’il espère que vous serez placé avantageusement au ministère des affaires étrangères ; cela vous donnera des moyens de vous distinguer prompts et sûrs, et cela vous mettra aussi dans un monde agréable. — Je tenais à la profession de mon père, lui dis-je ; mais il me sera doux de laisser M. le maréchal