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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/27

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ÉDOUARD.

du couchant ; l’air était rempli de ces petites particules brillantes qui nagent dans l’atmosphère à la fin d’un jour chaud de l’été ; les coteaux, la rivière, la forêt étaient enveloppés d’une vapeur violette qui n’était plus le jour, et qui n’était pas encore l’obscurité. Une vive émotion s’empara de mon cœur. De temps en temps un souffle d’air arrivait à moi ; il m’apportait le parfum du jasmin, et ce souffle embaumé semblait s’exhaler de celle qui m’était si chère ! Je le respirais avec avidité. La paix de ces campagnes, l’heure, le silence, l’expression de ce doux visage, si fort en harmonie avec ce qui l’entourait, tout m’enivrait d’amour. Mais bientôt mille réflexions douloureuses se présentèrent à moi. Je l’adore, pensai-je, et je suis pour jamais séparé d’elle ! Elle est là ; je passe ma vie près d’elle, elle lit dans mon cœur, elle devine mes sentiments, elle les voit peut-être sans colère : eh bien ! jamais, jamais nous ne serons rien l’un à l’autre ! La barrière qui nous sépare est insurmontable, je ne puis que l’adorer ; le mépris la poursuivrait dans mes bras ! et cependant nos cœurs sont créés l’un pour l’autre. Et n’est-ce pas là peut-être ce qu’elle a voulu dire l’autre jour ! Un mouvement irrésistible me rapprocha d’elle ; j’allai m’asseoir sur cette même fenêtre où elle était assise, et j’appuyai ma tête sur le balcon. Mon cœur était trop plein pour parler, « Édouard, me dit-elle, qu’avez-vous ? —