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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/28

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ÉDOUARD.

Ne le savez-vous pas ? » lui dis-je. Elle fut un moment sans répondre ; puis elle me dit : « Il est vrai, je le sais ; mais si vous ne voulez pas m’affliger, ne soyez pas ainsi malheureux. Quand vous souffrez, je souffre avec vous ; ne le savez-vous pas aussi ? — Je devrais être heureux de ce que vous me dites, répondis-je, et cependant je ne le puis. — Quoi ! dit-elle, si nous passions notre vie comme nous avons passé ces deux mois, vous seriez malheureux ? » Je n’osai lui dire que oui ; je cueillis des fleurs de ces jasmins qui l’entouraient, et qu’on ne distinguait plus qu’à peine ; je les lui donnai, je les lui repris ; puis je les couvris de mes baisers et de mes larmes. Bientôt j’entendis qu’elle pleurait, et je fus au désespoir. « Si vous êtes malheureuse, lui dis-je, combien je suis coupable ! Dois-je donc vous fuir ? — Ah ! dit-elle, il est trop tard ». — On apporta des lumières ; je m’enfuis du salon ; je me trouvais si à plaindre, et pourtant j’étais si heureux, que mon âme était entièrement bouleversée. Je sortis du château, mais sans pouvoir m’en éloigner ; j’errais sur les terrasses, je m’appuyais sur ces murs qui renfermaient madame de Nevers, et je m’abandonnais à tous les transports de mon cœur. Être aimé, aimé d’elle ! elle me l’avait presque dit ; mais je ne pouvais le croire. Elle a pitié de moi, me disais-je, voilà tout ; mais n’est-ce pas assez pour être heureux ? Elle n’était plus