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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/38

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ÉDOUARD.

nimait pour un moment ma triste vie ; je fermais les yeux pour que rien ne vînt me distraire d’elle. Je la voyais, je me pénétrais d’elle ; elle devenait comme la réalité, elle me souriait, elle me consolait, elle calmait par degré mes douleurs, elle apaisait mes remords. Quelquefois je trouvais le sommeil dans les bras de cette œuvre vaine ; mais, hélas ! j’étais seul à mon réveil ! Ô mon Dieu ! si vous m’eussiez donné seulement quelques jours de bonheur ! Mais jamais, jamais ! tout était inutile ; et ces deux cœurs formés l’un pour l’autre, pétris du même limon, pénétrés du même amour, le sort impitoyable les séparait pour toujours ! Un soir, revenant d’une de ces longues courses, je m’étais assis à l’extrémité de la Châtaigneraie, dans l’enceinte du parc, mais cependant fort loin du château. J’essayais de me calmer avant que de rentrer dans ce salon où j’allais rencontrer les regards de M. le maréchal d’Olonne, lorsque je vis de loin madame de Nevers qui s’avançait vers moi ; elle marchait lentement sous les arbres, plongée dans une rêverie dont j’osai me croire l’objet ; elle avait ôté son chapeau, ses beaux cheveux tombaient en boucles sur ses épaules ; son vêtement léger flottait autour d’elle ; son joli pied se posait sur la mousse si légèrement qu’il ne la foulait même pas ; elle ressemblait à la nymphe de ces bois ; je la contemplais avec délices ; jamais je ne m’étais en-