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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/39

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ÉDOUARD.

core senti entraîné vers elle avec autant de violence ; le désespoir auquel je m’étais livré tout le jour avait redoublé l’empire de la passion dans mon cœur. Elle vint à moi, et dès que j’entendis le son de sa voix, il me sembla que je reprenais un peu de pouvoir sur moi-même. « Où avez-vous donc passé la journée ? me demanda-t-elle ; ne craignez-vous pas que mon père ne s’étonne de ces longues absences ? Qu’importe ? lui répondis-je, mon absence bientôt sera éternelle. — Édouard, me dit-elle, est-ce donc là les promesses que vous m’aviez faites ? — Je ne sais ce que j’ai promis, lui dis-je ; mais la vie m’est à charge, je n’ai plus d’avenir, et je ne vois de repos que dans la mort. Pourquoi s’en effrayer ? lui dis-je, elle sera plus bienfaisante pour moi que la vie ; il n’y a pas de rangs dans la mort, je n’y retrouverai pas l’infériorité de ma naissance qui m’empêche d’être à vous, ni mon nom obscur ; tous portent le même nom dans la mort. Mais l’âme ne meurt pas, elle aime encore après la vie, elle aime toujours. Pourquoi dans cet autre monde ne serions-nous pas unis ? — Nous le serons dans celui-ci, me dit-elle, Édouard, mon parti est pris ; je serai à vous, je serai votre femme. Hélas ! c’est mon bonheur aussi bien que le vôtre que je veux ! Mais dites-moi que je ne verrai plus votre visage pâle et décomposé comme il l’est depuis quelque temps ; dites-moi