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ÉDOUARD.

vers en prononçant ces affreuses paroles. Hélas ! la vie semblait l’avoir abandonnée. Pâle, glacée, immobile, je crus un moment qu’elle n’existait plus ; je compris alors qu’il y avait encore d’autres malheurs que ceux qui m’accablaient ! À ses pieds j’implorai son pardon ; je repris toutes mes paroles, je lui jurai de vivre, de vivre pour l’adorer, son esclave, son ami, son frère ; nous inventions tous les doux noms qui nous étaient permis. « Viens, me dit-elle en se jetant à genoux ; prions ensemble ; demandons à Dieu de nous aimer dans l’innocence, de nous aimer ainsi jusqu’à la mort ! » — Je tombai à genoux à côté d’elle ; j’adorai cet ange presque autant que Dieu même ; elle était un souffle émané de lui ; elle avait la beauté, l’angélique pureté des enfants du ciel. Comment un désir coupable m’aurait-il atteint près d’elle ? elle était le sanctuaire de tout ce qui était pur. Mais loin d’elle, hélas ! je redevenais homme, et j’aurais voulu la posséder ou mourir. Nous entrâmes bientôt dans la lutte la plus singulière et la plus pénible ; elle, pour me déterminer à l’épouser ; et moi, pour lui prouver que l’honneur me défendait cette félicité que j’eusse payée de mon sang et de ma vie. Que ne me dit-elle pas pour me faire accepter le don de sa main ! Le sacrifice de son nom, de son rang ne lui coûtait rien ; elle me le disait, et j’en étais sûr. Tantôt elle m’offrait la peinture séduisante