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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/64

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ÉDOUARD.

vie tient au même fil ? Tu choisirais la mort en choisissant la fuite, et ma mort avec la tienne. »

En achevant cette lettre, je tombai à genoux ; je fis le serment de consacrer ma vie à celle qui l’avait écrite, de l’aimer, de l’adorer, de la rendre heureuse. J’étais plongé dans l’ivresse ; tous mes remords avaient disparu, et la félicité du ciel régnait seule dans mon cœur. Madame de Nevers connaît bien mieux que moi ce monde où elle passe sa vie, me disais-je, elle sait ce que nous avons à en redouter. Si elle croit notre union possible, c’est qu’elle l’est. Que j’étais insensé de refuser le bonheur ! M. d’Olonne nous pardonnera d’être heureux ; un jour, il nous bénira tous deux ; et Natalie ! Natalie sera ma compagne chérie, ma femme bien-aimée ; je passerai ma vie entière près d’elle, uni à elle. Je succombais sous l’empire de ces pensées délicieuses, et mes larmes seules pouvaient alléger cette joie trop forte pour mon cœur, cette joie qui succédait à des émotions si amères, si profondes, et souvent si douloureuses. J’attendais avec impatience qu’il fût midi, heure à laquelle je pouvais, sans donner de soupçons, paraître un instant chez madame de Nevers, et la trouver seule. Les plus doux projets remplirent cet intervalle ; j’étais trop enivré pour qu’aucune réflexion vînt troubler ma joie. Mon sort était décidé ; je me relevais à mes propres yeux de la préférence que m’accordait madame