Aller au contenu

Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
ÉDOUARD.

de Nevers, et une pensée, une seule pensée absorbait toutes les autres, elle sera à moi ! elle sera toute à moi ! La mort, s’il eût fallu payer de la mort une telle félicité, m’en eût semblé un léger salaire. Mais penser que ce serait là le bonheur, le charme, le devoir de ma vie ! Non, l’imagination chercherait en vain des couleurs pour peindre de tels sentiments, ou des mots pour les rendre ! Que ceux qui les ont éprouvés les comprennent, et que ceux qui les ignorent les regrettent, car tout est vide et fini dans la vie sans eux ou après eux ! Les deux jours qui suivirent cette décision de notre sort furent remplis de la félicité la plus pure. Madame de Nevers essayait de me prouver que c’était moi qui lui faisais des sacrifices, et que je ne lui devais point de reconnaissance d’avoir voulu son bonheur, et un bonheur sans lequel elle ne pouvait plus vivre. Nous convînmes qu’elle irait au mois de mai en Hollande. Ce voyage était prévu ; une visite promise depuis longtemps à madame de C… en serait le prétexte naturel. Je devais, de mon côté, feindre des affaires en Forez, qui me forceraient de m’absenter quinze jours ; j’irais secrètement rejoindre madame de Nevers à La Haye, où le chapelain de l’ambassade devait nous unir ; c’était un vieux prêtre qu’elle connaissait, et sur la fidélité duquel elle comptait entièrement. Une fois de retour, nous avions mille moyens de nous voir et