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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/79

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ÉDOUARD.

vaux et ses gens, et mon cœur battit encore une fois d’autre chose que de douleur en pensant que j’allais la voir passer. Cependant la voiture s’arrêta à dix pas de moi, et entra dans la cour du petit couvent de la Visitation des filles Sainte-Marie. Je jugeai que madame de Nevers allait y entendre la messe ; et au même instant l’idée me vint de l’y suivre, de prier avec elle, de prier pour elle, de demander à Dieu des forces pour nous deux, d’implorer des secours, de la pitié de cette source de tout bien, qui donne des consolations, quand rien n’en donne plus ! C’est ainsi que cet ange me sauva, que sa seule présence enchaîna mon désespoir, et me préserva du crime que j’allais commettre. Je me jetai à genoux dans un coin obscur de cette petite église. Avec quelle ferveur je demandai à Dieu de consoler, de protéger, de bénir celle que j’aimais ! Je ne la voyais pas, elle était dans une tribune grillée ; mais je pensais qu’elle priait peut-être en ce moment elle-même pour son malheureux ami, et que nos sentiments étaient encore une fois semblables. Ô mon Dieu ! que nos prières se confondent en vous, m’écriai je, comme nos âmes s’y confondront un jour ! C’est ainsi que nous serons unis, pas autrement : vous n’avez pas voulu que nous le fussions sur la terre ; mais vous ne nous séparerez pas dans le ciel. Ne la rendez pas victime de mes imprudences ; alors je pourrai tout supporter ; confon-