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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/80

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ÉDOUARD.

dez ses calomniateurs. Je ne suis pas digne de la venger ! dit-on : qu’importe ! Qu’importe ma vie, qu’importe tout, pourvu qu’elle soit heureuse, qu’elle soit irréprochable ! Seul je suis coupable. Si j’eusse écouté la voix de mon devoir, je n’aurais pas troublé sa vie ! Il faut maintenant avoir le courage de lui rendre l’honneur que ma présence lui fait perdre ; il faut partir, partir sans délai. Il me semblait que je retrouvais dans cette église une force qui m’était inconnue, et que le repentir, au lieu de me plonger dans le désespoir, m’animait de je ne sais quel désir d’expier mes fautes, en me sacrifiant moi-même, et de retrouver ainsi la paix, ce premier besoin du cœur de l’homme. Je pris avec moi-même l’engagement de partir ce même jour ; mais ensuite je ne pus résister à l’espoir de voir encore une fois madame de Nevers, quand elle monterait en voiture. Je sortis : hélas ! elle n’y était plus. En quittant le couvent, je rencontrai un jeune homme que je connaissais un peu. Il arrivait d’Amérique : il m’en parla. Ce seul mot d’Amérique m’avait décidé, tout m’était si égal ! je me résolus à partir dans la soirée. On fait la guerre en Amérique, pensai-je, je me ferai soldat, je combattrai les ennemis de mon pays. Mon pays ! hélas ! ce sentiment était pour moi amer comme tous les autres. Enfant déshérité de ma patrie, elle me repousse, elle ne me trouve pas digne de la dé-