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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/97

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LE MARCHAND DE ZAMORA.

triste encore qu’elle ne l’était avant son mariage ; aussi ne sortait-il presque plus de chez moi. L’avenir de ses enfants l’occupait au point de changer sa préoccupation en inquiétude. Oubliant le sort de mon premier conseil, je crus devoir en donner un nouveau, l’amitié m’en imposait la loi. — Mettez, lui dis-je, vos deux fils dans ma boutique. Ils vivront sous mes yeux jusqu’au jour où ils me succéderont. Je vous offre pour eux un sort tout fait, peu brillant, mais solide. Ôter au présent ce qu’il peut avoir d’aventureux, c’est déjà faire beaucoup pour l’avenir. Gavino réfléchit un moment, puis il me dit : — Vous avez raison, cher Gaspard ; mais je préfère un moyen de fortune plus prompt, un essor plus rapide, quelque chose d’éclatant. Vous travaillez opiniâtrément sans avoir pu jusqu’à ce jour vous rendre riche. Il faut donc à ces chers enfants une carrière moins lente, des chances moins restreintes. J’apprécie vos conseils, aussi n’adopterai-je qu’un parti assez raisonnable pour mériter votre assentiment.

« Dans l’attente de ce que le ciel devait inspirer à mon voisin, je cherchai quelque moyen de le distraire. Son antipathie pour le travail avait toujours éloigné les livres de ses yeux. Afin de le familiariser avec la lecture, je lui en parlai comme d’un amusement ; je me gardai de la lui montrer comme une étude.