Page:Duret - Voyage en Asie.djvu/147

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sent en eux toute la vie intellectuelle, ils monopolisent la culture de l’esprit, et, même plus, eux seuls savent véritablement lire et écrire. Nous ne sommes pas ici, en effet, dans un pays d’écriture alphabétique, où un petit nombre de signes, s’arrangeant en syllabes, font de la lecture et de l’écriture des choses simplifiées ; nous sommes dans un pays qui a un système d’écriture en partie idéographique hiéroglyphique, où chaque mot est exprimé par un caractère particulier. Apprendre à lire consiste à se graver dans la mémoire plusieurs milliers de signes différents, équivalents chacun d’un mot différent, et écrire est l’opération de tracer tous ces signes à main levée dans leur infinie variété. Apprendre à lire et à écrire est ici une chose dont on ne voit jamais la fin ; car, si l’on passe d’un livre à un autre ou d’un genre d’étude à un autre, on se trouve sans cesse en face de caractères nouveaux qu’il faut apprendre à connaître. Il en résulte qu’en dehors des hommes qui font de l’étude des lettres la grande affaire de la vie et qui se destinent aux examens, il n’y a point de culture littéraire sérieuse possible. La séparation qui existe ici entre les lettrés et ceux qui ne le sont pas est, de par la force des choses,