Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/68

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Or, il est malheureusement incontestable que, chez nous, cette unité morale n’est pas, sur tous les points, ce qu’il faudrait qu’elle fût. Nous sommes partagés entre des conceptions divergentes et même parfois contradictoires. Il y a dans ces divergences un fait qu’il est impossible de nier et dont il faut tenir compte. Il ne saurait être question de reconnaître à la majorité le droit d’imposer ses idées aux enfants de la minorité. L’école ne saurait être la chose d’un parti, et le maître manque à ses devoirs quand il use de l’autorité dont il dispose pour entraîner ses élèves dans l’ornière de ses partis pris personnels, si justifiés qu’ils puissent lui paraître. Mais, en dépit de toutes les dissidences, il y a dès à présent, à la base de notre civilisation, un certain nombre de principes qui, implicitement ou explicitement, sont communs à tous, que bien peu, en tout cas, osent nier ouvertement et en face : respect de la raison, de la science, des idées et des sentiments qui sont à la base de la morale démocratique. Le rôle de l’État est de dégager ces principes essentiels, de les faire enseigner dans ses écoles, de veiller à ce que nulle part on ne les laisse ignorés des enfants, à ce que partout il en soit parlé avec le respect qui leur est dû. Il y a, sous ce rapport, une action à exercer qui sera peut-être d’autant plus efficace qu’elle sera moins agressive et moins violente et qu’elle saura mieux se contenir dans de sages limites.