Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/232

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puisqu’elles ne peuvent pas se séparer sans périr. Enfin, dans l’évolution organique tout comme dans l’évolution sociale, la division du travail commence par utiliser les cadres de l’organisation segmentaire, mais pour s’en affranchir ensuite et se développer d’une manière autonome. Si, en effet, l’organe n’est parfois qu’un segment transformé, c’est cependant l’exception[1].

En résumé, nous avions distingué deux sortes de solidarité ; nous venons de reconnaître qu’il existe deux types sociaux qui y correspondent. De même que les premières se développent en raison inverse l’une de l’autre, des deux types sociaux correspondants l’un régresse régulièrement à mesure que l’autre progresse, et ce dernier est celui qui se définit par la division du travail social. Outre qu’il confirme ceux qui précèdent, ce résultat achève donc de nous montrer toute l’importance de la division du travail. De même que c’est elle qui, pour la plus grande part, rend cohérentes les sociétés au sein desquelles nous vivons, c’est elle aussi qui détermine les traits constitutifs de leur structure, et tout fait prévoir que dans l’avenir son rôle, à ce point de vue, ne fera que grandir.

IV

La loi que nous avons établie dans les deux derniers chapitres a pu, par un trait, mais par un trait seulement, rappeler celle qui domine la sociologie de M. Spencer. Comme lui, nous avons dit que la place de l’individu dans la société, de nulle qu’elle était à l’origine, allait en grandissant avec la civilisation. Mais ce fait incontestable s’est présenté à nous sous un tout autre aspect qu’au philosophe anglais, si bien que finalement nos conclusions s’opposent aux siennes plus qu’elles ne les répètent.

  1. V. Colon, anim., p. 763 et suiv.